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LE TRAITE INTERNATIONAL SUR LA PROTECTION DE LA HAUTE MER VOIT ENFIN LE JOUR

Ce traité, crucial pour la protection de l’océan, puisque la haute-mer couvre 60% de sa superficie, a fait l’objet de longues négociations. Tous les amoureux de la mer salut l’accord définitif pris à New-York le 4 mars dernier par les Etats membres de l’ONU sur le nouveau traité international pour la protection de la haute-mer (BBNJ).

Ce nouvel accord international va permettre de créer plus largement des aires marines protégées dans la haute-mer, indispensable pour atteindre l’objectif du nouveau cadre mondial pour la biodiversité de 30% de l’océan protégé d’ici 2030, et de mettre en place des études d’impact environnemental pour réguler les activités et prévenir les dommages sur la biodiversité marine. Il comporte également un mécanisme de partage juste et équitable des avantages issus des ressources génétiques marines de la haute mer, ainsi que le renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, en faveur des pays en développement.

L’adoption formelle du traité aura lieu une fois que la mise au point juridique dans les langues des Nations unies aura été achevée, et l’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par 60 États.

La France continuera à soutenir ce traité en faveur de la protection de l’océan, au niveau international avec notamment les enjeux de l’exploitation minière des grands fonds marins au sein de l’AIFM et l’accueil de la prochaine conférence de l’ONU sur les océans à Nice en 2025, et au niveau national avec l’actualisation de la Stratégie nationale pour la mer et le littoral.

LA GRANDE NOUVEAUTE DU TRAITE

« C’est ça la grande nouveauté de ce traité. Grâce à cet outil juridique, les États doivent protéger des zones de l’océan qui se situent au-delà des zones territoriales. Là où l’on est chez tout le monde et personne à la fois », explique Hélène Bourges, responsable de la campagne Océan chez Greenpeace. « On parle ici d’un bien commun de l’humanité, qui était impossible à protéger avant ce traité », ajoute-t-elle.

Le premier traité international de protection de la haute mer signé à l’Onu est « un accord historique », estime Denis Bailly, maître de conférence en économie de l’environnement à l’université de Brest, rentré de New York.

« C’est un accord historique parce qu’il y a peu de domaines comme l’océan où c’est véritablement l’humanité dans son ensemble qui est concernée. Avec des intérêts divergents entre les activités économiques et les enjeux de conservation, entre le Nord et le Sud. Donc se mettre d’accord à plus de 190 pays au niveau des Nations unies pour agir ensemble, oui, c’est historique. « 

Certains participants soulignent que la négociation a été très dure parce qu’on anticipe à moyen terme une activité économique très importante autour de la valorisation des ressources génétiques marines. Il n’y a pas de chiffres précis, mais on parle de centaines de milliards (d’euros, NDLR) à un horizon de quelques décennies. Les ressources sont partout, mais c’est le Nord qui a les moyens de se les approprier, mais aussi les moyens de les valoriser dans toutes les formes de l’industrie cosmétique, pharmaceutique. 

« Une grande avancée, c’est la possibilité pour la communauté internationale de définir des aires marines protégées, de mettre en place des règles en haute mer. C’est un instrument important pour réaliser l’objectif principal : parvenir à 30 % de la surface à la fois terrestre et maritime protégée en 2030 (c’est ce qu’on appelle l’objectif « 30×30 » du cadre global pour la gestion de la biodiversité). Il n’y avait pas d’instrument en haute mer, ou alors de très faible portée. On a un instrument maintenant pour le faire ».

Une autre avancée, poursuivent les autres, c’est le fait que toute activité qui voudra se développer en haute mer, dans la colonne d’eau, dans le sous-sol ou sur le fond de la mer, devra répondre à une obligation d’étude d’impact qui sera normée, surveillée, contrôlée par une agence internationale. Et puis, on a un mécanisme de partage des avantages au niveau de l’humanité, au bénéfice des pays du Sud, pour l’exploitation à venir des ressources génétiques marines. C’est un accord sur le partage des bénéfices qui seront tirés de la valorisation des ressources vivantes de toute l’industrie des biotechnologies. Il est aussi créé une conférence des parties qui va se réunir tous les ans, un peu comme la COP climat ».

La haute mer représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète. Mais seul 1 % faisait jusqu’ici l’objet de mesures de conservation. Cet outil est également jugé indispensable pour espérer protéger d’ici 2030, 30 % des terres et des océans, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre lors de la COP15 sur la biodiversité. Un traité « historique de par son existence, mais avec certaines zones d’ombres », concède Hélène Bourges.

UN TRAITE A TROUS MULTIPLES

Si plusieurs ONG saluent ce traité, que « les États se sont enfin décidés à signer », d’autres considèrent qu’il demeure incomplet. « Ce traité ne nous semble pas à la hauteur des enjeux », regrette Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association Bloom. « Tout simplement car il ne couvre pas tout un certain nombre de choses, très importantes pour vraiment protéger nos océans. Je parle ici de l’exploitation minière dans les fonds marins par exemple, c’est l’AIFM qui s’en occupe, pas l’ONU. L’instance ne peut donc pas gérer ce problème. C’est également le cas pour la pêche industrielle, soit la plus grosse menace qui pèse sur la biodiversité marine. Là encore c’est l’IPBES qui s’en occupe, pas l’ONU, et le traité n’en parle pas. Enfin, cet accord ne prend pas non plus en compte le transport maritimeIl est qui est régie par l’Organisation maritime internationale (OMI). »

Selon les ONG, la France doit jouer un rôle majeur dans la protection des océans. En effet le pays possède le deuxième plus grand domaine maritime au monde. Sa superficie est évaluée à 10,3 millions de km2, derrière les États-Unis, 11,3 millions de km2. « Pourtant; nous estimons chez Bloom, qu’il n’y a aucune volonté, de notre gouvernement, de mettre en place des aires marines protégées. Sachant que nous n’arrivons déjà pas à le faire dans nos eaux, cela me semble compliqué à plus grande échelle. Il faudra rester vigilant pour que ce traité ne soit pas qu’un effet d’annonce », espère Frédéric Le Manach.

La réussite de ce traité représente un enjeu majeur pour la sauvegarde des océans, largement impactés par le dérèglement climatique. « N’oublions pas, quand nous signons des traité sur la haute mer, que nous parlons d’une pompe à carbone. Les océans régulent le carbone qui est rejeté dans l’atmosphère. C’est une sorte de tampon, un piège à CO2 », rappelle Christian Tamburini, directeur de recherche au CNRS à Marseille. « Maintenir un océan qui fonctionne, c’est préserver notre avenir », ajoute-t-il.

Parmi les points de tensions des débats autour de ce traité, se trouvait la question de la gestion des ressources en haute mer. Elles n’appartiennent normalement à personne, mais sont accaparées par les pays riches. Parmi ces ressources, on trouve des organismes qui peuvent aller des virus aux bactéries et à des animaux plus imposants. Utilisés dans les études contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer, mais aussi par les industries cosmétiques et pharmaceutiques, ils constituent un enjeu de taille pour la recherche médicale.

Les pays en développement ont insisté durant les négociations pour que ces ressources soient équitablement partagées. Ce point névralgique du débat agace Christian Tamburini, qui y voit une confrontation entre les intérêts économiques et les intérêts climatiques. « Il faut toujours que les États cherchent un rôle économique à l’océan, car leur vision se cantonne au profit. Après l’exploitation minière, voici l’exploitation pharmaceutique », lâche Christian Tamburini. « Nous connaissons très peu l’océan profond, mais s’il faut continuer à enrichir des entreprises au détriment des océans, allons-y et dérégulons le climat », désespère-t-il.

POURQUOI CE TRAITE EST-IL NECESSAIRE?

« En droit international, les questions maritimes sont organisées dans le cadre d’une convention (de Montego Bay, NDLR) qui a été adoptée en 1982. Il était resté dans cette convention une sorte de trou noir : la réglementation des activités humaines dans ce qu’on appelle la haute mer, c’est-à-dire au-delà des 200 milles marins. Ce traité vise à combler un vide juridique. La norme internationale établissait quelques principes, mais pas suffisamment contraignants ou avec peu de moyens de mise en œuvre et de contrôle. Certains se sont comportés comme si c’était le Far West. Mais surtout, il y avait beaucoup d’inquiétude par rapport à de nouvelles activités : l’exploitation des minéraux en eaux profondes, l’augmentation du trafic maritime et des pollutions en haute mer, le changement climatique, qui impactent la biodiversité en haute mer. Face à tous ces enjeux, il était urgent de faire quelque chose. »

Comme le traité a vu le jour, il faut maintenant mettre en place tous les mécanismes possibles pour le rendre opérationnel, viable et efficace. C’est tous les pays du monde qui ont à gagner, car la protection de la mer et de la biodiversité constitue un enjeu majeur de l’humanité.

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