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L’INDUSTRIE VERTE EN FRANCE

Bruno le Maire ministre économie et gfinances

A l’occasion de la présentation des propositions des pilotes dans le cadre du projet de loi « industrie verte », le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a organisé une grande conférences en présence des journalistes, des députés et de nombreux invités. Cette conférence a été animé par Guillaume Kasbarian, député Renaissance d’Eure-et-Loir, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, coordinateur du projet de loi « industrie verte », qui a présenté l’ensemble des pilotes des chantiers leurs propositions en présence de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie.

Lancés en janvier, les travaux de consultation initiés par le ministre Bruno Le Maire, ont été conduits sous l’égide de Guillaume Kasbarian, par cinq groupes de pilotes, en charge d’un chantier de réflexion sur le projet de loi :

  • Transformer la fiscalité pour faire grandir l’industrie verte
  • Ouvrir des usines, réhabiliter les friches, mettre à disposition des terrains
  • Produire, commander et acheter en France
  • Financer l’industrie verte française
  • Former aux métiers de l’industrie verte

Guidé par l’ambition de faire de la France la championne de l’industrie verte en Europe, le projet de loi a deux objectifs : apporter un soutien efficace et rapide aux technologies de rupture pour le verdissement, notamment en réponse à l’IRA américain, mais aussi accompagner et encourager le reste de l’industrie à se décarboner. Ces objectifs répondent à l’ambition du gouvernement de placer les enjeux climatiques au cœur de son action, et se traduisent par des mesures fortes, ambitieuses, et disruptives.

Voici en intégralité le discours de Bruno Le Maire à l’occasion de cette rencontre de l’industrie verte en France.

« Je suis très heureux de vous retrouver tous ici.

Ça me rappelle la loi Pacte en plus nombreux, plus massif, je dirais plus populaire.
Donc ça fait plaisir de voir autant de personnes, rassemblées ici, venues de tous les
horizons, de lycées professionnels, de l’Assemblée nationale, de mairies,
d’entreprises, qui ont participé à ce grand élan collectif pour l’industrie verte, qui
remettent leurs travaux.

Ces travaux vont être proposés à nos compatriotes pour qu’ils se prononcent et
nous aurons dans les semaines qui viennent un projet de loi qui répondra à une
grande ambition économique : engager la France dans la révolution verte, engager
la France dans la révolution industrielle verte qui répond à l’engagement du
président de la République qui est de faire de la France la première nation de
l’industrie décarbonée en Europe.

Cette ambition, c’est aussi, et je l’assume totalement, et je pense que tous les
membres de la majorité qui sont présents ici l’assument également, tous les
ministres aussi, c’est aussi l’ambition politique, l’ambition politique forte : inverser
un demi-siècle de désindustrialisation en France, 50 années qui ont affaibli la France
et appauvri tous nos compatriotes.

Ne cherchez pas ailleurs la raison de l’appauvrissement relatif de nos compatriotes,
c’est la désindustrialisation, la perte des emplois industriels qui en sont la première
raison. Et c’est l’ambition aussi de décupler les efforts que nous avons engagés
depuis 2017 avec la majorité, avec le président de la République, avec les premiers
ministres successifs pour engager cette reconquête industrielle et obtenir des
résultats que nous avons déjà obtenu

Vous me permettrez, pour démarrer, de faire un peu d’archéologie économique,
c’est de regarder dans les ruines de pans entiers de l’industrie française ce qui s’est
passé. Quelle trace, nous pouvons retrouver, des erreurs économiques, politiques,
fiscales des 50 dernières années.

D’abord la désindustrialisation, c’est une spécificité française. Aucune autre nation
occidentale, aucune, n’a connu une telle vague de délocalisations industrielles.
Aucune n’a autant affaibli son industrie au cours des 50 dernières années.
Les chiffres sont sans appel. 1973, parts de l’industrie de la richesse nationale,
Allemagne. 22 %, France. 22 %, Italie 16 %. 50 ans plus tard, Allemagne, toujours
22 %, Italie toujours 16 %, France, 11 %, moitié moins.

Nous avons divisé par deux la production industrielle en France. Nous avons détruit
2,5 millions d’emplois industriels. Nous avons fermé des milliers d’usines. Nous
avons divorcé avec la France des trains, des forges, des fusées, de l’automobile, de
l’électroménager, du textile, de l’innovation, de la production et de la science. Et
nous en avons presque été fiers parce que nous pensions avoir inventé le concept
de l’industrie sans usine.

Nous pensions avoir inventé le concept des très grands groupes nationaux très
puissants. Sauf qu’ils ne produisaient plus de richesse sur notre territoire et qu’ils
détruisaient des emplois sur notre propre territoire, entraînant, je l’ai dit,
l’appauvrissement relatif de la France. Il n’y a pas de plus grand scandale
économique en France depuis un demi-siècle.

Aujourd’hui, 50 ans plus tard, chaque citoyen français est de 7 à 10 % moins riche
qu’un citoyen allemand ou qu’un citoyen américain, parce que nous avons laissé
faire cette désindustrialisation.

Alors, je sais bien qu’il y a des raisons internationales qui sont communes à tous.
Oui, la Chine est entrée dans l’Organisation mondiale du commerce et a livré une
concurrence farouche à nos produits. Oui, l’Union européenne est allée trop loin
dans la libéralisation, trop loin dans la croyance que le commerce international libre
nous permettrait de nous enrichir.

Mais nous avons commis nous-mêmes, nos propres erreurs. Nous avons alourdi la
fiscalité de production, nous avons alourdi la fiscalité sur le capital, alourdi la
fiscalité sur les industries et les mêmes qui vous parlez de redressement productif
dans le même temps alourdi ceux des impôts sur les industries entraînant la
fermeture des usines.

On n’est pas à une contradiction près en France. Nous avons dévalorisé les métiers
manuels, dévalorisé des filières des lycées professionnels. Laisser entendre que tout
le monde devait aller plus loin à l’université et que dans le fond, le lycée
professionnel était un échec alors qu’il est une immense réussite.

Et nous avons, je le redis, inventé ce concept fumeux issu des élites économiques et
politiques françaises qui portent une lourde responsabilité.

La conclusion, elle est cruelle et elle est simple. De toutes les grandes nations
occidentales, la France est la seule à avoir abandonné son industrie. Et elle en a payé
le prix fort, le prix économique, avec un déficit structurel de sa balance
commerciale extérieure qui tient au prix de l’énergie, mais qui tient surtout au fait
que nous ne produisons plus suffisamment de biens manufacturés, que nous
pouvons exporter à l’étranger.

Le prix social, avec cet appauvrissement dont je viens de parler, le prix politique
avec une dépendance à l’égard des chaînes de valeurs étrangères dont nous nous
sommes aperçus de manière spectaculaire au moment du Covid et enfin, le prix
climatique parce qu’il faut bien des voitures, il faut bien l’électroménager, il faut
bien un mixeur et il faut bien s’habiller. Donc nous avons importé de produits
lourdement carbonés, des produits que nous aurions pu produire sur notre propre
sol en émettant moins de CO2.

Nous avons été quadruplement perdants. Nous en avons payé le prix fort.
Et je dirais aussi que si aujourd’hui nous avons un rassemblement national qui se
porte si bien, c’est parce que nos compatriotes sont conscients de cet abandon et
que lorsqu’une usine ferme, lorsqu’une usine ferme je le dis souvent, vous avez une
permanence du Rassemblement national qui s’ouvre.

Tous ceux qui connaissent bien mon département ou ma région, chère Marie-Agnès,
le savent, le voient et l’on subit. Ce constat, nous l’avons fait dès 2017. Nous l’avons
fait avec le président de la République et nous avons engagé depuis 2017 cette
reconquête industrielle, mais pas en paroles, en acte et en prenant des décisions
qui ont été souvent vertement critiquées, mais qui étaient courageuses, nécessaires
et qui nous alignait sur les mieux disant des pays développés.

D’abord, des décisions fiscales. Que d’encre elles ont fait couler, nous aurions fait
la politique des riches, nous aurions fait la politique des entreprises, nous aurions
fait la politique des grands industriels.

Tous ces mots creux qu’on emploie sans cesse pour cacher une vérité simple, il n’y
a pas d’industrie sans capital. Et donc, si on ne réduit pas la fiscalité sur le capital, si
on n’a pas le courage de l’expliquer à nos compatriotes, on ruine l’industrie et on
ruine les ouvriers.

Notre politique fiscale n’a jamais été une politique pour les riches, elle est une
politique pour l’économie, pour l’industrie, pour les usines, pour les ouvriers et pour
les catégories populaires, car lorsqu’il y a des usines qui ouvrent, des ouvriers qui
sont embauchés, des jeunes sortis de lycées professionnels qui trouvent un emploi,
c’est la meilleure réponse à l’appauvrissement français.

Oui, nous avons baissé l’impôt des sociétés et nous pouvons être fiers. Comment
voulez-vous qu’une usine ouvre en France quand le taux d’impôt sur les sociétés est
à plus de 33 %, quand il est à 25 ailleurs ? Il fallait bien redevenir compétitif par
rapport à nos partenaires. Nous avons baissé les impôts de production seul contre
tous. Qui nous a soutenus ? Personne. Qui nous a critiqué ? Tout le monde.
Mais il ne faut pas oublier que lorsqu’une usine s’installe, qu’un groupe cherche où
ouvrir sa nouvelle installation où créer des centaines ou des milliers d’emplois, il est
bien obligé de regarder quel est le niveau des impôts de production, ce qu’on
prélève avant même que quoi que ce soit, soit produit en France et à l’étranger. Et
il suffit de franchir le Rhin pour avoir des impôts de production sept fois moins
élevés que les nôtres.

Avec le président de la République, nous avons eu le courage de baisser les impôts
de production de 10 milliards dans le dernier quinquennat et de 8 milliards dans ce
quinquennat. Nous avons transformé le CICE en baisse pérenne des charges. Nous
avons pris toutes les mesures fiscales difficiles et impopulaires qui ont permis aux
usines de rouvrir dans notre pays. Nous avons aussi, et je pense que c’est une vraie fierté collective, valoriser l’apprentissage, multiplier par deux le nombre d’apprentis.

Voilà des décennies qu’on nous explique qu’il faut une filière d’apprentissage fière,
crédible, une filière d’apprentissage d’excellence en France. Nous l’avons fait. Nous
avons doublé le nombre d’apprentis dans notre pays de 400 000 à 980 000 entre
2017 et 2022.

Et nous avons soutenu l’innovation cher Bruno Bonnell en mettant en place France
2030, 54 milliards d’euros pour l’innovation industrielle et en relançant la filière
nucléaire sans laquelle il n’y a pas de réindustrialisation possible.
Les résultats, ils sont là, encore fragiles, encore modestes, je le reconnais bien
volontiers, pas encore visible pour tous nos compatriotes. Mais ils sont là et ils sont
prometteurs.

Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines en France
qu’on en ferme, 200 très exactement au cours des deux dernières années. Pour la
première fois depuis plusieurs décennies, nous recréons des emplois industriels
dans notre pays, 80 000 sur les deux dernières années.

Pour la première fois en France depuis des décennies, nous pouvons citer une, une
seule, c’est vrai, mais une nouvelle filière industrielle, Roland Lescure l’a cité, ce sont
les batteries électriques. Qui aurait cru il y a 4 ou 5 ans ? Qui aurait pensé qu’il serait
possible en France et en Allemagne de produire des batteries électriques alors
qu’elles étaient toutes intégralement produites ou presque en Chine.

Je connais tous ces esprits et chagrins, tous ces esprits qui ont renoncé à livrer des
batailles, tous ceux qui ne croient pas suffisamment en la France et qui nous ont
expliqué par A plus B qu’il était impossible de faire concurrence avec les produits
chinois, impossible de produire des batteries électriques en France car jamais nous
ne serions compétitif par rapport à la production chinoise.

C’est exactement les mêmes qui vous ont vendu l’industrie sans usine. Ce sont les
mêmes, des esprits forts, des esprits intellectuels, puissants qui ont la renonciation
à la place du cerveau.

Nous, nous croyons qu’il est possible de relancer la production industrielle. Nous,
nous pensons qu’il est possible de donner désormais un deuxième élan à cette
reconquête industrielle amorcée en 2017, c’est l’objet de ce projet de loi sur
l’industrie verte.

Pourquoi est-ce que nous le faisons maintenant ? Pour 3 raisons que vous connaissez
tous.

La première, c’est le Covid. Le Covid nous a montré que nous avions des lacunes
béantes dans des secteurs de la production industrielle où elles étaient tout
simplement inacceptables : la santé, le médicament, les semi-conducteurs.
Quand vous voyez une usine automobile à l’arrêt parce qu’il n’y a pas suffisamment
de semi-conducteurs, vous dites : Il est peut-être temps de gagner notre
indépendance ou au moins de combler le déficit d’indépendance en matière de
semi-conducteurs.

La deuxième raison, je ne reviendrai pas dessus, a été longuement citée, c’est l’IRA
américaine, où tout d’un coup un président américain, en cohérence totale
d’ailleurs par rapport à son prédécesseur, c’est peut-être la seule cohérence qui
existe, mais elle mérite d’être notée, décide de soutenir massivement l’industrie
américaine.

Dans la théorie des jeux, il y a un principe qui est très simple, quand les joueurs ne
respectent plus les règles, le dernier à les respecter est sûr de perdre. La Chine a
décidé depuis très longtemps de ne plus respecter les règles du jeu sur les aides
d’Etat. Les Etats-Unis s’en sont largement affranchis avec l’Inflation Reduction Act.

Nous pouvons, nous Européens, continuer à jouer les règles du jeu, croire dans un
commerce libre, équitable, totalement ouvert, sans aucune aide d’Etat aux
industries qui commencent. Dans ce cas-là, croyez-moi, nous perdrons la bataille
industrielle du XXIe siècle. Et personnellement, comme mes amis ministres, comme
mes amis parlementaires et comme je pense chacun d’entre vous ici, je préfère
gagner les batailles que les perdants.

Enfin, il y a une troisième raison, c’est la transition climatique. La transition
climatique, c’est le grand défi économique du XXIe siècle. Et ce défi, je pense qu’il
est la chance exceptionnelle pour la France de se réindustrialiser.
Cette chance, nous voulons la saisir et c’est ce projet de loi. 3 mois de travaux en
commun, une consultation publique qui va s’ouvrir sur la base des propositions qui
viennent de vous être présentées par les pilotes.

Le site s’appelle Make.org. Vous pouvez donner votre avis sur les propositions qui
sont faites, les commenter, les déchiqueter s’il ne vous plaise pas, les soutenir si elles
vous plaisent et en proposer d’autres si vous en avez de meilleures.
C’est le principe de la consultation publique. Et je rappelle que dans le Pacte, nous
avons retenu des propositions faites par les citoyennes et les citoyens. Donc, j’invite
vraiment chacun d’entre vous à vous exprimer publiquement sur ce site et à

compléter et améliorer le travail qui a été fait.

Enfin, je souhaite associer tous les parlementaires à ces travaux parce qu’une loi,
c’est bien, mais une loi votée, c’est mieux. Et par les temps actuels, il ne vous a pas
échappé que c’est un défi.

Donc pour essayer de relever ce défi, je propose à tous les groupes parlementaires
représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat de venir nous rencontrer ici au
ministère de l’Économie et des Finances groupe par groupe, que ce soit le groupe
communiste, le groupe des Républicains, le groupe LIOT, le groupe du
Rassemblement national, le groupe des écologistes pour que chacun puisse
apporter ses commentaires, ses propositions, ses remarques sur un sujet qui, à mon
sens, est un sujet qui engage l’intérêt supérieur de la nation française notre industrie,
l’industrie verte.

Alors, qu’est-ce que ce sera que ce projet ? Je ne vais pas le dévoiler entièrement
puisqu’il est encore en consultation. Mais je pense qu’il est bien de définir un cadre
global.

D’abord, ça doit être un projet simple et court. Pas plus de 15 articles. Et si c’est 10,
c’est mieux. C’est un peu comme les gouvernements. On vous dit toujours
gouvernement resserré et on finit avec toujours un peu plus de monde que prévu.
Mais enfin, si on arrive à 15 articles, ce sera bien.

En deuxième lieu un projet qui soit cohérent avec les grandes options européennes.

Nous nous sommes battus avec Agnès Pannier-Runacher pour des modifications du
marché européen de l’électricité, avec de la visibilité pour le prix. Notre projet doit
être cohérent avec ce marché européen de l’électricité. Il doit être cohérent
également et utiliser les propositions qui sont faites dans le Net Zero Industry Act
porté par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Layen, et qui
répondent à beaucoup, beaucoup de demandes faites par le président de la
République.

C’est un projet, en troisième lieu, qui comprendra deux volets. Chacun doit bien
comprendre quel est l’objet de fond de ce projet.
D’abord, accélérer, faciliter, financer la décarbonation des industries existantes. On
ne construit pas l’industrie de demain sur les ruines de l’industrie d’hier. Il faut
permettre à l’industrie d’hier de se décarboner, d’accélérer sa décarbonation, c’est
un des volets de ce projet.

Et le deuxième volet, c’est la fabrication sur notre sol, sur nos territoires de produits
verts : hydrogène, batteries électriques, panneaux solaires, produits des éoliennes
et pompes à chaleur.

Enfin, ce projet devra répondre aux quatre grands défis de la révolution industrielle
verte et répondre à ce défi français que nous n’avons pas su relever depuis 1973.
D’abord, accélérer les autorisations d’ouverture ou de développement de sites
industriels. Vous savez quand un groupe industriel étranger vient investir en France,
la première chose qu’il cherche, c’est un terrain, vous en avez parlé avec les friches,
avec les terrains clés en main. Et puis il vous demande tout de suite “Mais ça va
prendre combien de temps?” Si vous lui répondez “C’est merveilleux, ça va prendre
18, 19 ou 20 mois, c’est ultra rapide”, comme les gens sont polis, ils vous disent “Oui,
c’est tout à fait merveilleux” mais vous ne les revoyez jamais car le dossier est clos,
ça ne les intéresse pas.

Nous, nous voulons diviser par deux les procédures d’autorisation des nouveaux
sites industriels ou d’agrandissement des sites industriels de 18 à 9 mois. Le climat
n’attend pas. Et je voudrais tordre le cou à cette idée reçue selon laquelle plus on
prend de temps, plus le climat est protégé. Plus on prendrait de temps, plus les
procédures environnementales seraient sérieuses.

C’est exactement le contraire. Je pense que nous pouvons avoir et que nous devons
avoir, je le dis devant Christophe Béchu que je remercie de sa présence, des
procédures environnementales rigoureuses, sérieuses, mais qu’elles peuvent être
rigoureuses, sérieuses et rapides. Et que si nous laissons le temps filer, au bout du
compte c’est le climat qui est perdant.

Car vos panneaux solaires, votre hydrogène vert, vos batteries électriques viendront
de pays où la décarbonation est beaucoup moins avancée qu’elle ne l’est en France
et où les émissions de CO2 sont beaucoup plus importantes qu’elles ne le sont en
France. Le climat n’attend pas, on peut conjuguer climat et vitesse.

Le deuxième grand défi, c’est évidemment le financement. Chacun doit prendre
conscience ici, cela fait maintenant 6 ans que je suis ministre de L’économie et des
Finances, j’’ai vu des investisseurs venir me proposer dans les premières années du
précédent quinquennat des projets industriels à 200, 300, 400 millions d’euros. J’ai
écarquillé les yeux. C’était Byzance. 400 millions d’euros, 500 emplois. C’était pour
la France des investissements considérables.

Aujourd’hui, à cause du Covid, à cause de cette transition climatique, parce que la
bataille est mondiale pour récupérer sur son sol les investissements qui vont définir
le partage de puissance industrielle du XXIe siècle. On parle d’investissements en
milliards ou en dizaines de milliards d’euros représentant des milliers ou des dizaines
de milliers d’emplois.

Et une fois que le Yalta industriel vert sera fait, vous allez en prendre pour un demi-
siècle. Je préfère que dans le Yalta industriel vert, la France soit autour de la table
de négociation plutôt que spectateur de la négociation.

C’est bien ça l’enjeu. Une fois que les grands industriels automobiles auront choisi
leur localisation des chaînes de valeur, c’est fini. Une fois que les grands producteurs
de batteries électriques auront choisi de s’installer à tel ou tel endroit, c’est fini pour
plusieurs décennies. Une fois que la production d’hydrogène vert sera répartie entre
les grands continents de la planète, c’est fini pour plusieurs décennies. Donc, c’est
maintenant que ça se joue.

C’est maintenant qu’il faut trouver des financements et c’est maintenant qu’il faut
investir. Nous voulons donc mettre de l’argent public sur la table. Nous l’avons fait
avec France 2030 et avec des subventions. Nous voulons étudier la possibilité de
mettre en place les crédits d’impôt pour accélérer ces investissements.
Nous voulons aussi étudier toutes les propositions qui ont été faites sur le
financement privé, que ce soit des produits d’épargne ou des produits
d’investissement. Toutes les propositions faites par les groupes de travail me
semblent intéressantes.

Troisième grand défi : favoriser. Quel mal y aurait-il à ce que la commande publique
favorise notre production nationale ? Il semblerait que ça choque certains qu’on
puisse dire que la commande publique doit favoriser la production nationale ou
européenne. Mais que fait la Chine ? Que font les États-Unis ? Sinon
systématiquement favoriser leur production.

Pourquoi nous, Européens, nous interdirions-nous de favoriser notre production,
notre industrie et nos emplois ? Je pense que c’est un défi qui mérite également
d’être étudié. Le label triple E qui a été envisagé me semble une piste très
intéressante.

Enfin, le dernier défi, c’est évidemment former aux compétences indispensables
pour l’industrie, que ce soit dans les lycées professionnels, dans les IUT et dans les
universités, dans les écoles d’ingénieurs.

L’Industrie doit devenir le maître mot des étudiants et des élèves de demain. Il faut
que dès le collège, on apprenne à nos enfants que l’industrie du XXIe siècle n’est pas
celle du XXe et encore moins celle du XIXe. N’apprenons pas Zola est l’un de ces
ensembles parce que ça n’a plus rien à voir. Je vous le dis en connaissance de cause.
Et l’ancien enseignant de Lettre que je suis vous dis qu’il n’y a plus rien à apprendre
chez Zola de ce qu’est l’industrie du XXIe siècle, et qu’il faut la prendre et la
présenter différemment.

Enfin, dans cette formation, il y a un point qui me tient particulièrement à cœur,
c’est la féminisation des métiers de l’industrie. Vous êtes une exception, je voudrais
que vous deveniez la règle. Et qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les
métiers industriels. Et que nous formions autant de femmes ingénieurs qu’il y a
d’hommes ingénieurs. C’est ma conviction la plus profonde. Il n’y a pas d’avenir
pour un métier dans lequel il n’y a pas de féminisation du métier.

C’est un combat qu’il faut livrer et je suis ouvert à toutes les propositions, même les
plus radicales, pour que nous parvenions enfin à la féminisation des métiers de
l’industrie, notamment des métiers d’ingénieur.

Vous voyez, pour terminer, et pardon d’avoir été un peu long, et pour résumer tout
ce qui a été dit avec beaucoup de talent cet après-midi par tout le monde, chacun
voit bien que la France est à la croisée des chemins, soit la décroissance, soit la
croissance verte. Soit la désindustrialisation accélérée, soit la révolution industrielle
verte que nous voulons porter avec ce projet de loi.

Soit nous importons massivement notre production industrielle et nous serons
triplement perdants du point de vue économique, industriel, social et aussi du point
de vue climatique.

Soit, à l’inverse, nous tirons parti de nos entreprises qui ont des compétences
exceptionnelles dans ce domaine, nous tirons parti de nos savoir-faire, de nos
savoirs technologiques pour produire plus, produire mieux, produire plus vite et
surtout renouer avec la grande histoire industrielle française. Parce que, dans le
fond, le défi que nous voulons relever aujourd’hui n’est pas simplement un défi
économique, pas simplement un défi politique, pas simplement un défi
technologique, c’est un défi culturel.

La France est une grande puissance agricole, elle est aussi une grande puissance
industrielle. Nous devons renouer avec cette histoire industrielle française. C’est
l’objectif de ce projet de loi. Je suis sûr qu’il nous emmènera tous très loin.

Merci à toutes et à tous. »

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