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ÉNÉRGIE RÉNOUVELABLES, ÉNÉRGIE NUCLÉAIRE ET CARBONÉES : DES GROS ENGAGEMENTS DE TOUS À LA COP28 À DUBAI

La 28e Conférence internationale sur le climat s’est ouverte jeudi 30 novembre à Dubaï (Émirats arabes unis) et se termine le 12 décembre avec près de 80 000 participants, un record. Ce vendredi 1er et samedi 2 décembre, plus de 140 chefs d’État se sont succédé à la tribune pour tenter de donner l’impulsion politique nécessaire à la réussite de l’évènement. D’autres, en coulisses, préparent de précieux tambours sacrés…

Des éoliennes tournent autour d'un puits de pétrole, au Texas, le 4 octobre 2023. Image symbole d'un monde qui cherche sa transition.
Des éoliennes tournent autour d’un puits de pétrole, au Texas, le 4 octobre 2023. Image symbole d’un monde qui cherche sa transition. Getty Images – Brandon Bell

Triplement des énergies renouvelables d’ici 2030. C’est l’engagement pris par 118 pays. Un engagement volontaire et non contraignant, en parallèle des négociations officielles. L’objectif est maintenant qu’il soit inscrit dans la résolution finale. Le nombre de signataires est important, mais quand le président de la COP28 Sultan Al-Jaber est monté à la tribune pour l’annoncer, il manquait encore des pays dont l’impact sur le climat est majeur : la Russie, l’Arabie saoudite, la Chine et d’autres grands producteurs de pétrole ou de gaz. À l’heure actuelle, les énergies renouvelables représentent 3 400 gigawatts (GW) grâce à l’hydraulique (environ 37%), le solaire et l’éolien. Objectif : arriver à 11 000 GW d’ici à la fin de la décennie. Joyce Lee, haut responsable au Global Wind Energy Council, salue « le levier d’action le plus efficace de la décennie […] Ce qu’il faut maintenant, c’est que les pays transforment cet objectif en politiques, en règlementations et en investissements ». Avertissement du côté des Petits États insulaires dont la survie est menacée : « Cet engagement ne peut blanchir les pays qui, en même temps, étendent leur production d’énergies fossiles », tance Tina Stege, envoyée spéciale des îles Marshall. Les Émirats, entre autres, sont dans le viseur : ils projettent l’un des plus vastes plans de développement d’hydrocarbures du monde.

Triplement du nucléaire. Vingt-deux pays, dont les États-Unis, la France, le Japon et les Émirats arabes unis, ont appelé samedi à la COP28 à tripler les capacités de l’énergie nucléaire dans le monde d’ici 2050. « Beaucoup de pays ont changé leur approche [sur l’énergie nucléaire], je pense à la Belgique », a notamment argumenté le président français. Comme beaucoup d’annonces, cet appel s’est fait en parallèle des négociations officielles.

« Nuclear is back ! » (« L’énergie nucléaire est de retour ! ») : Emmanuel Macron, en bon vendeur du savoir-faire de la France, second producteur mondial en 2018, est venu plaider pour le retour en grâce de l’atome à la COP28.

Une énergie décarbonée certes, mais pas sans risque, estime Gaïa Febvre, responsable politique internationales au Réseau Action Climat : « C’est une énergie très coûteuse, lente à mettre en œuvre, et dangereuse pour certains pays qui n’ont pas la stabilité géopolitique nécessaire pour le développement du nucléaire. »

Alors que les États-Unis, premiers producteurs au monde, cherchent à collaborer avec plusieurs pays du continent dans le domaine, le jeu n’en vaut pas la chandelle pour Landry Ninteretse, directeur Afrique de l’ONG 350.org :

« Il est clair que les risques et les coûts dépassent de loin les avantages et ne serviront pas les intérêts des communautés locales en Afrique. Le meilleur et seul pari de l’Afrique pour un avenir énergétique sûr et durable réside dans l’utilisation de son potentiel en énergies renouvelables. »

« Plutôt que de réfléchir à l’énergie nucléaire, l’accent devrait plutôt être mis sur la galvanisation des ressources financières pour soutenir une transition équitable des combustibles fossiles vers un système d’énergies renouvelables ancré dans la justice« . Landry Ninteretse plaide pour «la galvanisation des ressources financières pour soutenir une transition équitable».

De son côté, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Grossi, estime que disqualifier cette énergie controversée en raison des errements de certains projets serait « une erreur ». Mais quels financements pour le développement de ces projets de très long terme, véritables gouffres financiers ? Dans un entretien à l’AFP, il plaide pour débloquer les financements publics internationaux en faveur de l’atome. « Il existe des dispositions statutaires, parfois dans certaines institutions de crédit internationales, qui excluent le nucléaire. Je pense que ça, c’est complètement obsolète », dit-il, espérant « une évolution » sur ces financements publics. La Banque mondiale n’a pas financé de projet nucléaire depuis 1959.

 Les États-Unis versent trois milliards de dollars au Fonds vert pour le climat. La somme a été annoncée par la vice-présidente Kamala Harris. Washington rattrape des années de non-contribution. La dernière, également trois milliards, remonte à 2014. Le financement reste toutefois conditionné à une approbation du Congrès.

Des partenariats pour protéger les forêts. Emmanuel Macron a annoncé la signature de partenariats pour protéger les forêts de 3 pays à hauteur de 210 millions de dollars : 100 millions pour la Papouasi-Nouvelle-Guinée, 60 avec la RDC et 50 millions avec le Congo-Brazzaville. Les partenariats comportent plusieurs volets, selon le président français: « un partenariat scientifique pour mesurer et contrôler le niveau de ces réserves vitales », « un partenariat économique » intégrant les populations indigènes et l’écosystème local, et un dernier volet destiné à promouvoir « des moyens de financement innovants, qui permettraient de générer des crédits carbone et biodiversité de qualité ».

GOOD COP / BAD COP. « Tu bluffes Martoni »

50 groupes pétroliers lancent une « Charte de la décarbonation du pétrole et du gaz ». Une initiative qui ne trompe pas grand-monde.

Le titre de la Charte en dit déjà beaucoup : décarboner du carbone. Représentant 40% de la production mondiale, ces entreprises, dont 29 nationales, se sont engagées à décarboner leurs opérations de production d’ici à 2050, a annoncé samedi la présidence émiratie de la COP28.

Problème : cette « Charte de décarbonation » concerne seulement les émissions de gaz à effet de serre produites par les opérations d’extraction et de production de ces entreprises. Elle n’englobe donc pas le pétrole qu’elles vendent. Donc le CO2 émis lors de l’utilisation du pétrole et du gaz – par le transport routier, la construction, pour le chauffage, la fabrication de plastique etc… – n’est pas comptabilisé. Or, ce secteur représente entre 80 à 95% des émissions, selon l’Agence internationale de l’énergie. Le texte « n’est pas aligné par les objectifs de l’Accord de Paris », tranche le groupe de recherche Zero Carbon Analytics, qui a étudié la proposition dès sa diffusion. Il rappelle au passage que de tels engagements avaient déjà été émis en 2021…

Second engagement : les compagnies promettent d’atteindre la neutralité en émission de méthane en 2030. Sauf que, critique le Zero Carbon Analytics, « les objectifs d’intensité ne garantissent pas des réductions globales des émissions si les volumes de production augmentent ». « Pour baisser la température, il faut simplement baisser le méthane », rappelait dans le même temps à la tribune l’influente Première ministre de la Barbade, Mia Mottley.

Pour David Tong, expert à l’organisation Oil Change International, cette initiative est « une dangereuse distraction du processus de la COP », « nous avons besoin d’accords légaux, pas d’engagements volontaires ». En effet, tout comme l’appel sur le triplement du nucléaire, ces engagements sont volontaires, non contraignants, et n’ont pas l’autorité des décisions de la COP28, qui sont prises par consensus entre 200 pays sous l’égide de l’ONU. Ils peuvent cependant influer sur les négociations. « Cette charte est la preuve que les engagements volontaires de l’industrie pétrogazière ne permettront jamais d’atteindre le niveau d’ambition nécessaire pour lutter contre la crise climatique », contrairement à la mise en place de législations pour sortir des fossiles, a dénoncé Mélanie Robinson du World Ressources Institute.

Contrairement aux « majors » occidentales, très scrutées par leurs opinions publiques, mais qui représentent seulement 13% de la production mondiale, très peu de compagnies pétrogazières publiques ont annoncé des objectifs climatiques. Parmi les grandes absentes de cette charte minimaliste : les géantes du Koweït, du Qatar, de l’Iran et les Chinoises Sinopec, CNOOC et PetroChina…

Dans un rapport paru en septembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le déploiement mondial de technologies clés telles que les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les pompes à chaleur, est si rapide que la demande de charbon, de pétrole et de gaz naturel devrait atteindre son maximum d’ici à 2030. L’Agence réaffirmait alors qu’« aucun nouveau grand projet d’extraction de pétrole et de gaz, aucune nouvelle mine de charbon, ni même un agrandissement de mine ou de centrale à charbon ne sont nécessaires ».

David Tong de conclure : « La science est claire : pour rester sous le 1,5°C de réchauffement global, il faut une sortie complète, rapide, équitable et financée des énergies fossiles, qui doit commencer maintenant. »

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