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EN LIBYE, PLUS DE 3.800 MORTS ET 30.000 DEPLACÉS APRÈS LE PASSAGE DE LA TEMPÉTE DANIEL

Libye inondation

La tempête Daniel a fait plus de 3.800 morts en Libye et plus de 30.000 déplacés. Des inondations d’une très rare violence ont causé la panique, la désolation et la mort de milliers de personnes. Les médias internationaux comme RFI, Radio France Internationale et le journal Le Monde en a fait l’écho en poussant les analyses et les réflexions jusqu’à l’origine de la tempête.

RFI, Indique que dès le 10 septembre 2023, sur le site spécialisé Zoom Earth, on peut observer la tempête Daniel s’enrouler autour du sud de la péninsule du Péloponnèse, en Grèce. Elle balaye aussi le sud de l’Italie, la Sicile, avant de traverser la Méditerranée. La tempête descend ensuite vers le golfe de Syrte en Libye, prend de la puissance en mer et touche les côtes libyennes dans la nuit du 9 au 10 septembre 2023, produisant de violentes précipitations orageuses. Des pluies torrentielles ont ainsi balayé l’est du pays, plus particulièrement la région d’Al Jabal Al Akhdar, d’Al Marj dans les terres, à la ville côtière de Derna.

La tempête Daniel au large de la Libye le 9 septembre 2023.
La tempête Daniel au large de la Libye le 9 septembre 2023. © Windy.com

Dans la soirée du dimanche 10 septembre, les habitants des localités de Battah et El Bayada commencent à partager des vidéos sur les réseaux sociaux. Sur ces images, on constate une visibilité très réduite et un cortège de rues inondées et de voitures emportées. À ce moment, on estime que les vents peuvent atteindre 120 kilomètres par heure. Il s’agit, selon les experts, d’un « cyclone subtropical méditerranéen ». Les arbres sont arrachés, et les fils électriques s’envolent.

Au même moment, des signaux très inquiétants arrivent de Derna. Vers 2h30 du matin, le barrage situé à 13 kilomètres en amont cède. Environ 25 minutes plus tard, une puissante vague de boue entre dans la ville. Le secteur du « boulevard de la mer », près de l’embouchure, est dévasté. Dans l’autre sens, venant du large, les vagues poussées par la tempête remontent vers l’embouchure du Wadi Derna.

Au moins 30 000 personnes qui vivaient dans cette ville de 100 000 habitants ont été déplacées, a indiqué mercredi 13 septembre 2023 l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les incertitudes demeurent sur le nombre exact de victimes de la catastrophe. Dans les jours qui suivent, la mer ne cesse de ramener des cadavres sur le rivage. Les autorités avancent le chiffre de 10 000 disparus.

LA RUPTURE DES BARRAGES EN CAUSE

Les photos satellites consultables en source ouverte dans la nuit du 12 au 13 septembre confirment que ce sont bien les deux barrages construits sur le Wadi Derna qui ont été emportés. Le barrage principal, situé à environ 250 mètres d’altitude, date des années 1970. L’édifice a été conçu par des ingénieurs yougoslaves. C’est la société Hydrotehnika qui était en charge des travaux entre 1973 et 1977.

Un expert en construction de barrages, consulté par RFI, confirme que la Yougoslavie disposait effectivement d’un véritable savoir-faire dans le domaine. Cette société existe toujours, elle est aujourd’hui enregistrée au registre serbe, et a conçu d’autres barrages au Maghreb, en Guinée et en Zambie notamment. Le barrage principal de Derna est un « barrage en remblais ». On peut le voir distinctement sur les photos satellites datant d’avant la catastrophe.

Il a été construit avec des matériaux naturels : roches, terres, autour d’un « noyau d’étanchéité » central, couramment réalisé avec un matériau plus fin comme l’argile. L’ouvrage a été bâti par l’accumulation de plus d’1 million et demi de mètres cubes de remblais. Selon le constructeur, il a une capacité maximale de 18 millions de mètres cubes, c’est-à-dire la quantité d’eau qu’il peut recevoir.

Avec les crues des affluents du Wadi Derna, ce réservoir s’est rempli alors qu’il était à sec quelques semaines auparavant, d’après des vidéos publiées en ligne. Sur les photos satellites, l’équipe des vérificateurs de RFI a été intriguée par une construction en forme d’entonnoir sur la partie droite du barrage. Elle est très visible sur les photos. Ce « trop-plein » permet d’évacuer l’eau quand le niveau monte. Les experts utilisent le terme de « tulipe » pour désigner ce système d’évacuation de l’eau. Son avantage : il fonctionne « tout seul », sans mécanique complexe, sans vanne, et ne nécessite pas beaucoup de travaux de maintenance.

Sur ce barrage en bas de la vallée, la tulipe est située sur la rive gauche.
Sur ce barrage en bas de la vallée, la tulipe est située sur la rive gauche. © Captures d’écran/ Montage RFI

Inconvénient, sur l’édifice de Derna, il n’y a qu’un seul évacuateur avec un débit limité. Pour schématiser, s’il y a trop d’eau à relâcher, cet orifice va saturer. L’eau passe alors au-dessus du barrage, attaquant la construction qui finit par craquer. Ce phénomène est désigné « surverse » par les experts. C’est la cause la plus fréquente de rupture d’un « barrage de remblais ». La présence de cultures en aval de la construction rappelle qu’il était employé à des fins d’irrigation, mais il a été principalement construit pour protéger Derna des crues meurtrières quand l’oued commence à gonfler.

AL MARJ ÉGALEMENT INONDÉ

Le Wadi Derna, particulièrement dangereux, reçoit les eaux de ruissellement des « plateaux », alors que la ville est construite au niveau de la mer. Le deuxième barrage devait permettre, lui aussi, de protéger la ville. Il a été submergé, et détruit par la vague provenant de la destruction de l’ouvrage situé en amont. Les experts parlent « d’onde de rupture ». Ce barrage était-il mal entretenu ? Un expert explique à RFI que les barrages de ce type peuvent théoriquement fonctionner des années sans entretien particulier, puisque l’évacuateur de crues, notamment, fonctionne de manière « passive ».

Néanmoins, en principe, ce genre d’ouvrages fait l’objet d’une surveillance régulière et dispose d’équipements permettant de détecter d’éventuels comportements anormaux. Généralement, la construction est vérifiée en utilisant des repères topographiques situés sur la crête du barrage, pour prévenir les déformations ou en relevant les données de capteurs de pression dans la fondation. Mesures de débits de drains, suivis piézométriques, doivent permettre de détecter des fuites ou guetter des signes avant-coureurs.

Cartographie de la vallée en amont de Darna et des deux barrages.
Cartographie de la vallée en amont de Darna et des deux barrages. © Captures d’écran/ Montage RFI

Après la révolte qui mit fin à 42 ans de dictature de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye a sombré dans le chaos et la division entre est et ouest. Les infrastructures vétustes, les constructions en violation des règles d’urbanisme au cours de la dernière décennie et le manque de préparation face à ce type de catastrophe ont très certainement joué un rôle, mais les autorités libyennes rappellent pour leur part qu’elles ont dû faire face à un évènement climatique inédit. Depuis le grand tremblement de terre qui a secoué la ville d’Al Marj en 1963, c’est la pire catastrophe naturelle que connaît la Cyrénaïque, province orientale de la Libye. Al Marj n’a d’ailleurs pas été épargnée par ces récentes inondations, comme le révèlent les images satellites.

Pour le journal Le Monde, au moins 30 000 personnes ont été déplacées dans cette ville côtière libyenne, a annoncé de son côté l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). A Al-Bayda, 3 000 personnes ont été déplacées et plus de 2 000 à Benghazi, d’autres villes situées plus à l’Ouest.

Selon le porte-parole, le lieutenant Tarek al-Kharraz, 3 840 morts ont été recensés dans la ville à ce stade, dont 3 190 ont déjà été enterrés. Au moins 400 étrangers, essentiellement des Soudanais et des Egyptiens, figurent parmi les victimes.

Plus tôt dans la journée, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait annoncé qu’au moins 30 000 personnes avaient été déplacées à Derna, après des inondations dévastatrices qui ont fait des milliers de morts et de disparus dans cette ville côtière libyenne, selon les autorités. Compte tenu de l’accès difficile à cette ville de 100 000 habitants, dans l’est de la Libye, les incertitudes demeurent quant au nombre exact de victimes de la catastrophe.

Des routes coupées, des éboulements de terrain et des inondations ont empêché les secours d’atteindre rapidement la population qui a dû se débrouiller par des moyens rudimentaires pour récupérer des corps enterrés par dizaines dans des fosses communes, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

L’OIM a fait également état de 3 000 déplacés à Al-Bayda et plus de 2 000 à Benghazi, d’autres villes situées plus à l’ouest. L’organisation a expliqué que Derna n’était plus accessible que par deux entrées au sud (sur sept habituellement). Selon elle, des pannes d’électricité généralisées et des perturbations du réseau de télécommunication limitent les communications.

LA TRAJECTOIRE DE LA TEMPETE DANIEL

es témoins ont raconté à des médias libyens avoir entendu une « énorme explosion » avant que des torrents puissants n’atteignent la ville, débordant sur les rives, emportant les ponts et des quartiers entiers avec leurs habitants vers la Méditerranée.

Dans le pays comme à l’étranger, la mobilisation continue, même si les secours arrivent encore au compte-gouttes. Des équipes de secouristes envoyées par la Turquie et les Emirats arabes unis sont arrivées dans l’est de la Libye, selon les autorités. La Jordanie a envoyé un avion rempli d’aide humanitaire, a déclaré mercredi l’Organisation caritative hachémite jordanienne. L’avion contient des tentes, des couvertures, des matelas et des colis de nourriture, selon elle.

Le ministère de la défense italien a aussi annoncé mercredi le départ d’un navire et de deux avions de transport militaires pour acheminer des experts et du matériel logistique de première nécessité. L’Algérie et l’Egypte avaient informé mardi avoir aussi envoyé de l’aide.

La France a annoncé le déploiement d’un hôpital de campagne pour venir en aide aux populations sinistrées, tandis que les Etats-unis ont décidé d’envoyer des « fonds d’urgence aux organisations de secours » et prévoient une coordination avec les autorités libyennes et l’ONU pour fournir un soutien supplémentaire.

La Commission européenne, de son côté, a communiqué, mercredi, sur l’envoi d’aide depuis l’Allemagne, la Roumanie et la Finlande vers Derna, dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’UE. « La mobilisation de la Commission [européenne] continue », a tweeté un porte-parole de l’exécutif européen, Balazs Ujvari.

Avec la Tempete Daniel, des quartiers entiers de la ville libyenne se sont retrouvés sous les eaux, empêchant les véhicules de circuler et piégeant de nombreux habitants dans leurs foyers. Les terres agricoles, situées au sud de la ville, n’ont pas non plus été épargnées par les très fortes précipitations qui sont tombées.

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