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LE SÉNÉGAL RÉCEPTIONNE SON PREMIER SATELLITE ET SE LANCE DANS L’ESPACE

GAYANE FAYE coordinateur du projet SENSAT

Lancement du satellite sénégalais SENSAT par une fusée de la société SpaceX

          Le Sénégal vient de faire un grand pas pour devenir une nation spatiale.

  Le Sénégal va réceptionner son premier satellite le 15 décembre 2023, ce qui est historique dans l’histoire de notre pays. Mais pour arriver à cette date, d’énormes efforts ont été consentis. En effet, le Ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation (MESRI-SN), conscient de l’importance du spatial dans le développement des nations a mis en place le projet Spatial du Sénégal dénommé SENSAT. Au-delà de permettre au Sénégal de mettre en orbite son premier satellite, ce projet a pour objectif de permettre à notre pays de disposer de ressources humaines qualifiés et suffisante pour pouvoir tirer le maximum de profit du potentiel qu’offre le spatial. C’est ainsi que le MESRI-SN a établi une collaboration avec le Centre Spatial Universitaire de Montpellier qui a une grande expérience sur la fabrication et l’exploitation de microsatellite pour avoir fabriqué et lancé le premier CubeSat Français. Cette collaboration a permis de former 08 ingénieurs et 05 techniciens qui ont fabriqué le premier CubeSat du Sénégal sous la supervision des ingénieurs du CSUM et l’encadrement d’une équipe technique composé de professeurs des université Sénégalaises. Le satellite sera ensuite envoyé aux USA début janvier pour un lancement par SpaceX depuis sa base de lancement de Cap Canaveral en Floride, durant le premier trimestre de l’année 2024.

 Nous sommes aujourd’hui avec le coordinateur du projet SENSAT, GAYANE FAYE, qui répond à nos questions concernant le lancement du satellite sénégalais à Montpellier.

  1. Monsieur FAYE, le Sénégal a réceptionné son premier satellite ce vendredi 15 décembre 2023. Ce qui est une bonne nouvelle pour le Sénégal. En terme simple, quelle est l’importance pour le Sénégal à se lancer dans le spatial ?

Gayane FAYE : hier nous avons réceptionné le premier satellite sénégalais, GAINDESAT (Gestion Automatisée d’Information des Données Environnementale par Satellites). C’est le projet qui s’appelle SENSAT qui est un projet du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation que j’ai eu l’honneur et le grand privilège de coordonner. Nous avons aujourd’hui le premier résultat de ce projet : la fabrication du premier satellite du Sénégal. Ce satellite s’appelle GAINDESAT et cela signifie Le Lion, en Ouolof, l’emblème du Sénégal. Ce premier satellite est le fruit de la collaboration avec le centre universitaire de Montpellier qui est un centre universitaire de formation, de recherche et d’ingénierie spatiale qui a une expérience de plus de 10 ans dans la fabrication de micro satellite. Aujourd’hui le spatial a un rôle important dans le développement des nations. Dans tous les domaines, dans tous les secteurs d’activités, le spatial apporte des solutions. Si aujourd’hui se lance dans le spatial c’est pour profiter du potentiel qu’offre le spatial pour soutenir son développement, pour aider les décideurs à prendre des bonnes décisions. Un exemple, le spatial permet de faire un suivi de l’agriculture, de suivre et mieux maitriser votre urbanisation, de gérer les catastrophes naturelles comme les inondations, l’érosion côtière, les feux de brousse etc. Aujourd’hui le spatial est un outil qui permet aux décideurs de disposer des bonnes informations pour prendre des meilleures décisions, gérer les ressources naturelles et les catastrophes naturelles de notre pays. Compte tenu de cette importance du spatial, le Sénégal ne peut pas aller vers le spatial pour exploiter ce potentiel. C’est pourquoi le pays a eu l’idée de se lancer dans le spatial.

  • Quel sera l’apport de ce satellite dans le développement scientifique, environnemental, technique, technologique et industriel du Sénégal ?

L’apport sera énorme. Le premier sera surtout le transfert des compétences, des techniques et des technologies. Ça nous permet d’avoir des ressources humaines qui sont compétences dans le domaine du spatial. Ça c’est l’aspect scientifique en termes de compétences. En termes pratique, le satellite a deux missions. La première, c’est la collecte d’informations. Aujourd’hui nous avons au Sénégal des structures qui collecte des informations comme l’Institut qui fait le suivi des cours d’eau et des lacs. Ces structures ont des stations de mesures à travers le pays, mais qui sont obligées de se déplacer vers des lieux pours les données ou faire de la télétransmission. Ce sont des méthodes très couteuses en temps, en argent et en énergie. La mission de ce satellite, c’est de faire en sorte qu’à chaque fois qu’il va passer au-dessus du Sénégal, d’aspirer toutes ces données qui ont été mesuré par ces stations-là, les transférer aux stations de Dakar et les mettre à la disposition des structures concernées. Gain de temps, d’argent et d’énergie. Pendant l’hivernage, il y a parfois des crues avec le fleuve Sénégal. Donc cela leur permet d’anticiper et informer les populations pour qu’elles puissent prendre les dispositions rapidement. Quand le satellite sera en orbite et va aspirer les données, les transférer à Dakar dans la journée, cela est un gain énorme et très pratique pour les populations qui vivent dans ces zones-là. La deuxième mission sera l’imagerie. Prendre des images sur toute l’étendue du territoire national. Ces images vont être utilisées pour faire des applications sur le suivi agricole et humain et faire la cartographie des inondations, de la déforestation, des feux de brousses, l’exploitation des plans de site des mines, sur les questions hydrocarbures parce que nous allons commencer à exploiter le pétrole et le gaz et là on va avoir des marrées noire, des fuites d’hydrocarbures. Ce sont autant d’exemples. Il y aura énormément d’applications qui permettrons aux citoyens lambdas de pouvoir améliorer son quotidien, mais aussi aux décideurs de pouvoir disposer des bonnes informations pour faire une meilleure planification. Et cela énormément impacter l’économie du Sénégal.

  • Beaucoup de sénégalais se posent des questions sur les retombées directes et immédiates de ce satellite.

C’est la collecte et la diffusion des données en une journée au lieu de 10 jours. Aucune structure n’aura le besoin de se déplacer pour collecter des données et disposer des informations. Par exemple le niveau du cours d’eau sénégalais et faire des alertes au besoin. Ça c’est une retombée directe et immédiate. Les images qui seront prises également permettront d’améliorer les statistiques agricoles et faire de la planification.   

  • Quel sera le niveau de déplacement de ce satellite au-dessus du Sénégal.

C’est un satellite SSO qui va passer deux fois par jour au-dessus du Sénégal à des heures régulières. Et pour chaque passage, il va rester au-dessus du Sénégal environ deux minutes. Durant ces deux minutes, il va collecter les données qu’il va transmettre à la station de Dakar.  Le stellite fait le tour la terre en 90 minutes environ. C’est un satellite 1U. 10 cm sur 10 cm aux environs de 1 kilo, une concentrée des technologies qui va tourner autour de la terre a une altitude entre 550 et 600 kilomètres.

  • Pour lancer le Sénégal dans la course vers l’espace, vous avez choisi le centre universitaire de Montpellier pour vous aider clairement à monter ce projet. Pourquoi le choix du centre de Montpellier ?

Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a un rôle premier à savoir la formation de la recherche, la formation des ressources humaines. Le ministère a décidé de former des ressources humaines qui font des satellites et en exploitent. C’est pourquoi nous avons choisi le centre universitaire de Montpelier qui est un centre de formation, d’innovation, de recherche et d’ingénierie spatiale. Ce centre a produit son 7ème CubeSat cette année. C’est un centre qui a des grandes expériences dans la fabrication des micro satellites. Nous les avons choisis pour collaborer en tant qu’universitaire dans la formation et le transfert des compétences. L’agence vient d’être créer et est entrain de faire sa stratégie de développement.

  • Quelle est la relation entre ce centre et l’Agence d’étude spatiale sénégalaise ?

Le projet a démarré depuis 2019. Il a pour objectif de permettre au Sénégal de disposer de son premier satellite, de pouvoir former ses ressources humaines et exploiter le spatial. Au fur et à mesure qu’on avançait dans le projet, les autorités sénégalaises se sont rendu compte de l’importance du spatial dans le développement des nations. Et elles ont dit qu’on va créer une agence spatiale.

  • Pour assurer la continuité et le suivi de ce projet, est-ce que le Sénégal a aujourd’hui des compétences requises, des personnes qualifiées et des ressources nécessaires pour bien mener à terme ce projet ?

Oui, aujourd’hui nous disposons des ressources importantes pour pouvoir faire face à notre développement dans le cadre spatial. Moi-même qui vous parle je suis un expert et j’ai fait ma thèse dans l’utilisation des données satellitaires pour le suivi environnemental et des ressources naturelles. Ce qui manquait à la chaine, c’est la partie ingénierie. C’est pourquoi dans ce projet nous avons recruter des ingénieurs et des techniciens que nous avons envoyés au centre spatial de Montpellier pour des formations. Ils ont été formés et outillés jusqu’à fabriquer ce satellite sénégalais.  Ces ressources humaines associées aux ressources traitement et exploitation des données nous permettrons de développer et exploiter des satellites et de se lancer dans le spatial. Notre ambition pour le spatial est aujourd’hui très grande. On a déjà commencé à travailler sur le deuxième satellite sénégalais qui sera lancer dans un an ou deux ans et demie. Le projet SENSAT dans sa globalité a couté un million d’euros.  C’est le coût actuel du projet, de la formation des ressources humaines jusqu’à l’exploitation du satellite. Nous avons aujourd’hui le transfert des compétences, de la technique et de la technologie. Le centre universitaire de Montpellier nous accompagne aujourd’hui dans la définition des infrastructures qu’il faut mettre en place pour permettre aux ingénieurs formés, de retour au pays, de pouvoir exercer comme ils le faisait au centre universitaire de Montpellier.

  • Aujourd’hui près de 40 satellites appartenant à des pays africains sont lancés. Comment le Sénégal compte bien se positionner comme un leader incontournable dans la maitrise des sciences et technologies spatiales africaines ?

Je pense que le Sénégal viendra apporter sa contribution au développement du spatial africain. Chaque pays africain doit pouvoir maitriser sa technologie spatiale. Mais in fine ce qui sera important, chaque pays doit venir pour qu’on se mette ensemble pou développer le spatial africain. Le spatial est tellement vaste, tellement couteux et demande énormément de ressources humaines pour qu’un pays s’engage tout seul et se développer ce sera trop cher et difficile. Mais si on se met en synergie, cela permettra à l’Afrique de pouvoir exploiter ce potentiel.

  • En Afrique de l’ouest, le Nigeria et le Ghana domine le domaine spatial. Le Sénégal sera le seul pays francophone qui va concurrencer en ce moment ces deux pays dans la sous-région avant le lancement des satellites de la cote d’Ivoire et du Burkina Faso bientôt ? Quel sera la stratégie du Sénégal pour se positionner leader du marché spatial en Afrique francophone ?

Nous ne sommes pas dans une concurrence en Afrique pour le spatial. Nous devons travailler en concert et profiter du potentiel que nous offre le spatial. Le Sénégal va apporter sa pierre dans la construction de l’édifice. Au niveau international, il y a une course vers l’espace. Mais une course pour maitriser les sciences, les techniques et les technologies de l’espace. Certes, il y a des concurrences entre les grandes puissances comme la Russie et les Etas Unis par exemple, mais entre nous pays africain il n’y a pas de concurrence et il n’y en aura pas. Aujourd’hui nous avons la chance d’avoir au niveau de l’Union Africaine, l’Agence spatiale africaine qui sera le moteur du spatial africain. Chaque pays maintenant a le devoir de développer ses capacités spatiales au niveau national. C’est géostratégique.

10- Aujourd’hui quelle est la vraie ambition du Sénégal en matière spatiale ?

L’ambition du Sénégal est très grande. Le pays a fabriqué son premier satellite. Il a formé ses ressources humaines et est entrain de réfléchir sur d’autres projets et le développement de ses infrastructures. Nous voulons formés des ressources humaines suffisantes et qualifiées pour pouvoir mieux exploiter nos satellites et le spatial. C’est la base du développement du spatial. La formation des ressources humaines. Nous ne voulons pas être dépendant car le spatial oblige des compétences et de ressources. Nous voulons bien nous appuyer sur nos ressources humaines pour développer et peaufiner nos stratégies et le développement du spatial. Le Sénégal vient de créer son agence spatiale qui viendra renforcer les capacités institutionnelles et gouvernementales. On a déjà commencé à travailler sur le deuxième satellite du Sénégal qui viendra renforcer le premier pour maximiser nos possibilités de collecte des données et d’informations environnementales.

11- Quel sont les besoins réels du Sénégal en matière spatial ?

Nous avons aujourd’hui un organe de gouvernance stratégique et politique qui pilote tout ce qui relève du domaine spatial. Nous aurons ensuite la partie technique et opérationnelle. Le but est de développer le spatial et de maîtriser tous les segments du spatial.

  1. Qu’est-ce qui va changer dans les années à venir avec le lancement de ce satellite dénommé GAINDESAT (Gestion Automatisée d’Information des Données Environnementale par Satellites) ?

Le premier changement ce sera la façon de collecter des informations qui aidera à gagner en temps, en argent et en énergie. Deuxième changement, renforcement des capacités humaines. Troisième changement, transfert des compétences, des techniques et des technologies. Quatrième des choses, disposer des infrastructures avec le temps pour bien faire le travail du spatial. Cinquième des choses, les ressources humaines que nous avons formées nous permettent de créer de centre de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine spatial au niveau national. Aujourd’hui le satellite va améliorer la production des données, l’accès aux données.   

  1. Aujourd’hui le satellite sénégalais sera lancé à Floride avec la société SpaceX. Pourquoi avez-vous choisi cette société de Elon Musk pour vous lancer dans l’espace ?

Quand vous faites un satellite, vous définissez sa mission. En fonction de sa mission, vous définissez ses paramètres et son fonctionnement par exemple sa gravité orbite, l’analyse mission. Vous fabriquez le satellite et vous chercher un lancer pour mettre en orbite votre satellite là où vous l’avez dimensionné en partant de vos besoins. Ce n’est pas quel lancement qu’il faut choisir. Aujourd’hui, il faut le reconnaitre c’est SpaceX qui est le leader dans le lancement de satellites. Ariane avait beaucoup de difficulté. C’est donc SpaceX qui avait l’offre qui répondait à nos besoins.

  1. Enfin, quel message adressez-vous au sénégalais dans le cadre du lancement du premier satellite sénégalais ?

Le message est un message d’espoir. Pour moi d’abord c’est un privilège et un honneur d’avoir coordonner ce projet, d’avoir permis au Sénégal de bénéficier de son premier satellite. Je remercie les autorités sénégalaises d’avoir eu la volonté politique pour concrétiser cette ambition du Sénégal. Pour la jeunesse sénégalaise, je leur dis qu’on est capable de faire des merveilles. Nous devons travailler ensemble et investir dans les filières scientifiques pour développer notre nation.  

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