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COP28: UN TEXTE DE DEPART SUR LA TABLE, MAIS DES NÉGOCIATIONS TENDUES A VENIR

dirigeants du monde lors de la COP28

La 28e Conférence climat s’est ouverte jeudi 30 novembre pour douze jours à Dubaï (Émirats arabes unis) avec un nombre record de près de 80 000 participants. Tous les soirs, « Un jour à la COP » récapitule l’essentiel des infos, des annonces et des réactions du jour. Le journal part également à la rencontre en images de ses multiples acteurs. La thématique transport était au programme. Et pour l’un des hauts responsables de Maersk, deuxième transporteur mondial de fret maritime, « la consommation est une partie importante du problème » écologique, a-t-il concédé à notre micro.

DANS L’ENCEINTE DE LA COP28, L’HEURE EST AU BILAN DE MI-PARCOURS

Dans un premier brouillon de déclaration – il pourrait y en avoir plusieurs autres avant la fin – toutes les options sont encore sur la table concernant le sujet brûlant de cette COP, les énergies fossiles, de la sortie sans condition à aucune mention dans le texte. Ce qui laisse craindre beaucoup de travail aux négociateurs qui seront rejoints par leurs ministres jusqu’au 12 décembre. Le patron de l’ONU climat fait monter la pression cet après-midi. Alors que les négociations ont entamé leur deuxième et dernière semaine de négociations, Simon Stiell s’est exprimé lors d’une conférence de presse : « Nous avons un texte de départ sur la table, mais c’est un sac de vœux pleins de postures », a-t-il constaté. « Le Bilan mondial est le véhicule pour mettre l’action climatique sur les rails […] Nous avons besoin que la COP fournisse un train à grande vitesse pour accélérer l’action climatique […] Nous avons actuellement un vieux fourgon de queue qui roule sur des pistes branlantes. » De son côté, le commissaire européen chargé du Climat « veu(t) que cette COP marque le début de la fin pour les énergies fossiles », a déclaré le commissaire européen en charge de ce dossier, qui vient d’arriver à Dubaï.

On réagit aussi côté société civile. « On voit un certain nombre de pays producteurs de pétrole et de gaz, l’Arabie saoudite, la Russie, exprimer une forte réticence à un accord là-dessus. Il n’est pas impossible de voir un accord la semaine prochaine mais on peut s’attendre à des négociations tendues », anticipe Romain Ioualalen, spécialiste des politiques climatiques à Oil Change International. Aucune date précise de sortie n’est mentionnée dans les options, l’une propose simplement que cela tournerait autour du milieu du siècle. « C’est un problème, parce qu’on sait que cela doit être en 2050 dernier carat. Plus on attend pour enclencher une transition juste et ordonnée des énergies fossiles, plus cette transition sera difficile à faire et coûteuse. L’autre problème, c’est qu’il n’y pas de différenciation prévue entre les pays. Or, on ne peut pas demander au Vanuatu ou au Malawi de sortir à la même vitesse que le Canada ou les États-Unis. »

« Sans la finance, tous les objectifs vertueux qui permettront de combattre le changement climatique ne seront que des rêves. De manière réaliste, sans la finance, il n’y aura pas de facilitateur pour avancer vers la transition énergétique.« 

Le Danemark appelle l’UE à réduire de 90% ses émissions d’ici à 2040. « Nous sommes le premier pays à annoncer que l’UE doit réduire ses émissions de CO2 d’au moins 90% d’ici à 2040 ! », a déclaré Lars Aagaard, ministre danois du Climat. « Nous espérons que d’autres pays se joindront à nous », a-t-il ajouté. En avril, les Vingt-Sept avaient entériné la décision de sabrer de 55%, par rapport à 1990, leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Les nouvelles « banques vertes » africaines. Initiative lancée par la Banque africaine de développement (BAD) il y a un an lors de la COP27, la mission de ces banques vertes est d’attirer à la fois les investissements nationaux et étrangers tout comme des capitaux publics mais surtout privés afin de financer tous types de projets durables en faveur de la protection du climat sur le continent. S’il existe de rares banques vertes en Afrique, c’est la première fois que la BAD lance un tel programme au niveau continental. Avec une ambition : parer aux urgences climatiques, en accédant aux financements plus facilement qu’avec les bailleurs internationaux traditionnels. Pour l’instant, seuls le Bénin et la Côte d’Ivoire font partie de la phase test. Le Maroc et l’Egypte doivent les rejoindre ce mois-ci.

« Le continent, malgré le fait que ce soit la région la plus affectée par le changement climatique, reçoit autour de 3% de la finance globale. Il faut qu’on trouve des mécanismes pour capter cette finance climat, mais aussi de mobiliser les ressources domestiques.« 

Kerry et Poutine à 1h30 de distance

ohn Kerry n’était pas là par hasard. Alors que Vladimir Poutine venait d’atterrir à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, brève escale avant l’Arabie saoudite voisine, l’envoyé spécial de Joe Biden pour le climat a improvisé une visite au pavillon ukrainien de l’Expo City de Dubaï, séparé de moins de 150 km. Le geste de soutien symbolique est évident, alors même que l’aide américaine attendue par Kiev est actuellement incertaine et doit être soumise au vote au Congrès.

L'envoyé spécial américain pour le climat a fait un bref tour du pavillon ukrainien le 6 décembre 2023.
L’envoyé spécial américain pour le climat a fait un bref tour du pavillon ukrainien le 6 décembre 2023. © Géraud Bosman-Delzons/RFI

L’ex-vice-président américain, qui négocie depuis une semaine les intérêts des États-Unis dans la transition climatique, s’est arrêté quelques instants devant le toit d’une maison importé d’Ukraine et exposé à l’intérieur du pavillon. Oleksii, négociateur COP Riabchyn qui a accueilli l’Américain, nous explique ce symbole : « Cette maison avait survécu à deux guerres mondiales, mais pas à l’agression russe. Cette année, nous avons un pavillon plein d’eau qui rappelle la gigantesque catastrophe causée par l’homme du barrage de Kakhovka. Elle nous met au même plan que les inondations au Pakistan qui sont elles aussi le fait des activités humaines. Le changement climatique tue, la Russie tue. » Il y a six mois jour pour jour, l’édifice, situé en amont du Dniepr, a été éventré par une explosion. Ukraine et Russie se renvoient la responsabilité de ce qui peut être qualifié de triple crime, de guerre, contre l’humanité et contre l’environnement. « C’est ma huitième COP et je peux vous dire combien c’est difficile de négocier sur le climat quand votre femme et vos enfants sont sous les bombes. Vous vous demandez ce que vous faites là. On fait de la diplomatie climatique et on se bat pour nos enfants, nos petits-enfants et pour le rétablissement environnemental de l’Ukraine », conclut le négociateur ukrainien.

DES QUESTIONS A Morten Christiansen, vice-président en charge de la transition énergétique de l’entreprise Moller-Maersk.

« La consommation est une partie importante du problème » écologique

À l’instar du secteur aérien, le transport maritime international de fret est extrêmement polluant et n’échappe pas aux injonctions de transformation, même si, en proportion du matériel transporté, c’est le mode de commerce le plus économique et le plus « écologique ». Il totalise 80% des marchandises échangées à travers le monde. La quantité de CO2 a diminué de presque un tiers entre 2008 et 2019 grâce à la modernisation des flottes. Sauf que la capacité du fret, elle, a augmenté de manière fulgurante dans le même temps. Après des années fastes en raison du Covid-19, le Danois Maersk, deuxième transporteur mondial, subit comme ses concurrents un effet boomerang. L’un de ses hauts responsables nous a accordé une brève interview.

Le secteur du fret maritime vit une période de turbulence économique. Comment avez-vous prévu de décarboner vos activités dans ce contexte ?

L’industrie du transport maritime se met en marche pour affronter ce défi. Nous sommes une grosse partie du problème. Le secteur compte pour près de 3% des émissions globales et nous avons clairement besoin de faire quelque chose. Comme l’aviation, il n’est pas concerné par l’Accord de Paris parce puisqu’il ne relève pas d’un seul pays. Mais par contre, nous sommes sous de l’OMI, qui dépend de l’ONU. Les principaux acteurs s’engagent en tout cas à agir.

Les solutions pour le transport maritime, c’est d’abord de rendre les bateaux moins consommateurs. Mais le principal défi, c’est de s’éloigner des énergies fossiles, soit en utilisant l’électricité, soit la biomasse. Celle-ci est la technologie la plus avancée. On peut utiliser du biodiesel, mais c’est limité en volumes, du biométhane et du méthanol, et c’est cette dernière voie qu’on a choisie. Dans le futur, on pourra très probablement naviguer à l’ammoniac, qui est en réalité le carburant le plus adaptable à grande échelle, mais cela pose aussi des questions de sécurité et environnementales car c’est toxique.

Combien est-ce que cela coûterait à Maersk ?

Chaque année, notre entreprise brûle dix millions de tonnes de fuel et l’année dernière, notre facture de carburant s’élevait à huit milliards de dollars. Mais ces technologies sont toutes très chères pour le moment, vous doublez ou triplez votre facture de carburant. Nous serions vite en ruine ! Et pour une industrie très concurrentielle, avec des marges très faibles, c’est très difficile. C’est pour ça qu’on a besoin d’un cadre réglementaire qui puisse inciter à l’utilisation de carburants verts. Ils ne sont pas disponibles aujourd’hui, il faut encore construire les structures, ce qui demande des investissements. Et puis la biomasse est très demandée par d’autres secteurs, l’aérien, le routier, l’industrie chimique. Idem pour le méthanol.

Nous avons commandé environ 25 bateaux qui naviguent au bioéthanol. Il y a quelques semaines, nous avons sécurisé le premier demi-million de tonnes de biométhane qui peuvent remplir les réservoirs plus de douze bateaux, donc plus de la moitié de la flotte. On progresse.

Quelle position adoptez-vous sur la sortie des énergies fossiles, qui est au centre de ces négociations ?

Si l’on parle au niveau des négociations politiques, je reste en dehors. Mais oui, il y a des alternatives aux énergies fossiles. Dire qu’il n’y aura pas assez de carburants verts, je ne suis pas d’accord avec ça. S’il y a de la demande, il y aura des projets. Donc c’est une excuse pour ne rien faire du tout.

Mais on vient ici comme acteur industriel et l’objectif, c’est d’avoir un cadre réglementaire sous l’autorité de l’Organisation maritime internationale (1). Et cela peut aussi être une inspiration pour d’autres secteurs pour lequel la réduction des émissions est plus difficile à atteindre.

Êtes-vous favorable à une taxe internationale sur le secteur maritime ?

Oui, simplement ce ne serait pas une taxe car seuls les pays peuvent lever des impôts. Nous pensons que le moyen le plus économique et le plus efficace serait d’avoir un prélèvement sur les énergies fossiles de 10% en 2030 et d’en utiliser une partie pour subventionner les carburants verts. Parce que même avec des frais relativement faibles, on peut créer des règles du jeu équitables. Et plus la part des carburants verts augmente, plus ce prélèvement augmente. Donc la priorité, c’est d’avoir ce cadre réglementaire qui puisse à la fois mettre en place une obligation de 10% de carburant vert en 2030 et un prélèvement sur les énergies fossiles qui pourront financer les carburants écologiques.

Votre modèle économique repose sur la consommation. Plus vous transportez de marchandises, plus vous faites de bénéfices. Mais une planète durable passera par moins de consommation et plus de sobriété, ce sont aussi les experts du Giec qui le disent. Est-ce que vous appelez à moins consommer comme solution durable ?

Difficile pour nous, industrie, de dire ce que les gens devraient consommer. Les expéditeurs sont nos clients, nous servons nos clients. Sur le concept de consommation en général, je peux avoir une opinion en tant que personne privée mais…

Justement, quelle est-elle ?

On ne résoudra pas ce problème si on n’active pas tous les leviers qui existent. Donc oui, je crois que c’est juste de regarder aussi comment on consomme et pourquoi en Europe tout le monde ressent le besoin d’avoir cinq télés et deux voitures. Cela fait évidemment partie de la solution. Mais il faut prendre ce problème de tous les côtés, et clairement, la consommation en est une partie importante.

1.Au premier jour de la COP, cinq des plus gros transporteurs maritimes mondiaux ainsi que la France, la Corée du Sud et le Danemark ont adopté une déclaration commune pour promouvoir l’adoption « d’un cadre réglementaire solide » d’ici 2027 favorisant la transition écologique du secteur.

Ils promettent de réduire de 30% les émissions totales de leur flotte d’ici à 2030 par rapport à 2008 contre 20% demandés par l’OMI. Une réduction à zéro des émissions nettes doit être atteinte « en 2050 au plus tard ». La coalition défend aussi la mise en œuvre de « normes de construction pour les navires neufs ». Les transporteurs envisagent de s’accorder sur une date au-delà de laquelle il serait obligatoire pour tout navire neuf d’être propulsé par du carburant à émissions nulles ou quasi nulles. Actuellement, près de 99% de la flotte mondiale est propulsée au fioul lourd.

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