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GERER LA FERTILITÉ DES SOLS POUR RENFORCER LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

reunion sur la fertilité des sols en Afrique

Préserver la terre, restaurer les sols et repenser la gestion des territoires pour un meilleur renforcement de la souveraineté alimentaire en Afrique, c’est l’objet d’une importante conférence organisée à Paris par l’Agence Française de Développement (AFD) et le Centre de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement (CIRAD). Cette rencontre a regroupé différents acteurs agricoles, des décideurs, des chercheurs et des scientifiques pour discuter de la santé des sols et de l’amélioration de la production alimentaire en Afrique par l’introductions des nouvelles pratiques et techniques agricoles.

Réunion des experts, chercheurs, scientifiques et acteurs agricoles sur la fertilité des sols en Afrique

 Aujourd’hui les enjeux en matière de nutrition, de sécurité alimentaire et de fertilité des sols sont soumis à rudes épreuves. Ces questions constituent des véritables sources de préoccupations qui concentrent toutes les réflexions et toutes les attentions des exploitants agricoles, des décideurs et des chercheurs. La faible productivité de l’agriculture en Afrique subsaharienne notamment est due en grande partie à la dégradation de la fertilité des sols. Les sols subissent des dégradations multiples sous l’effet des activités humaines et des effets climatiques. Par la multiplication d’évènements extrêmes, le changement climatique accentue la pression sur les sols, accélère leur dégradation et menaces la sécurité alimentaire des populations. Les agricultures familiales, pilier de la sécurité alimentaire de cette région, sont confronté à un énorme défi sur la restauration et le maintien de la capacité productive des terres. Les pratiques et techniques agricoles des producteurs telles que les associations céréales-légumineuses, les jachères pâturées, les parcs arborées ne permettent plus d’entretenir la fertilité sur des surfaces cultivée qui s’agrandissent, surtout lorsque les sols sont carencés.

DEVELOPPER DES NOUVELLES PRATIQUES AGRICOLES

Selon le constat des différents acteurs et chercheurs agricoles, la vulgarisation des engrais de synthèse par les acteurs agricoles et les décideurs n’ont pas amélioré la situation. Et l’usage des engrais minéraux en Afrique demeure faible et bien en deçà de la moyenne de consommation mondiale (20kg/ha contre 135 kg/ha). Après avoir longuement promu l’utilisation de fumure organique, les chercheurs invitent désormais à diversifier les sources de biomasse fertilisante à travers l’agroforesterie, l’agroécologie, les associations avec les légumineuses et l’agriculture de conservation.

 D’autres techniques de gestion de l’eau et du sol ont également été abordé au cours de cette conférence. La combinaison de l’ensemble de techniques agricoles efficientes et résilientes permettra de faire face à l’insécurité alimentaires dans certaines zones en Afrique et de construire avec les agriculteurs pour chaque type de production en fonction des ressources disponibles localement, d’un apport raisonné d’engrais de synthèse et de biomasses, des savoirs paysans et scientifiques.

La dégradation des terres agricoles est un phénomène complexe qui associe la réduction de la quantité de nutriments et des matières organiques dans les sols, leur dégradation physique et biologique. Pour assurer une gestion durable de la fertilité des terres agricoles en Afrique, « la France continue et continuera à déployer des projets sur le terrain avec l’appui opérationnel de l’AFD », déclare Clelia CHEVRIER- KOLACKO, directrice adjointe des affaires globales, au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui reconnait l’impact de la fertilité des sols sur la production agricole en termes de quantité et de qualité.

Clelia CHEVRIER- KOLACKO, directrice adjointe des affaires globales, au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

Elle salue « la forte implication de l’AFD dans les financements des projets permettant de structurer des filières robustes de légumineuses contribuant à l’initiative UE-UA dédiée aux protéines végétales lancée en 2021. Le développement des légumineuses en Afrique est à la fois un vecteur d’amélioration environnemental (santé des sols, amélioration nutritionnelle) et de développement économique renforçant le bien-être, la résilience des producteurs et des consommateurs ».

Pour Bertrand WALCKENAER, Directeur adjoint de l’AFD, « cette question de sol constitut un outil de financement pour comprendre les déterminants pédologiques locaux, la qualité des sols, l’érosion des sols dans les régions où l’AFD intervient. »

 Et de poursuivre « toute notre activité est organisée vers la restauration de la potentialité des sols ou la préservation de ce potentiel. Ce sont des techniques agricoles sur lesquels nous travaillons avec les chercheurs. Cette fertilité des sols et la restauration de cette fertilité passe par un projet de territoire, de consensus, de transformation des techniques pour incorporer des pratiques de l’agroécologie qui permet de mieux soigner et de prendre en compte les sols ».

Bertrand WALCKENAER, Directeur adjoint de l’AFD, Agence Française de Développement

L’agroécologie est une pratique qui soutient une alliance entre agriculture et environnement, entre l’alimentation, la science et la société. La mise en œuvre des principes de gestion agroécologique des sols implique de repenser les systèmes agricoles avec l’ensemble des acteurs locaux : en particulier les organisations communautaires et paysannes, les femmes et les jeunes.

C’est pourquoi la CIRAD et le groupe AFD Agissent ensemble pour développer des techniques, des projets et des solutions qui visent à préserver les sols et les activités humaines. Notamment la sécurité alimentaire, la protection de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. Ils promettent de renforcer les recherches sur certaines pratiques agricoles pour lutter contre la faim, la dépendance alimentaire et la pauvreté en Afrique.

Eric JUSTES, agronome, directeur adjoint du département Persyst prône pour une meilleure utilisation des engrais pour fertiliser les sols et améliorer les rendements. « Les défis du secteur agricole en Afrique sont étroitement liés à la problématique de la filière des engrais et de la santé des sols. La crise énergétique, la pandémie du Covid et la guerre en Ukraine ont augmenter les prix des engrais. La transition agroécologique financée par la CEDEAO en Afrique de l’Ouest est une solution d’avenir. Les engrais sont un complément à cette transition basée sur des pratiques respectant la santé des sols pour accroitre la production agricole. »

Eric JUSTES, agronome, directeur adjoint du département Persyst

 C’est le même constat du professeur Tantely Razafimbelo de Madagascar qui indique que « les rendements agricoles en Afrique sont très faibles pour des raisons notamment de dégradation des sols et le niveau d’utilisation des engrais ».

Sur la question de la fertilité des sols, pilier de la production, elle souligne que la solution est « l’optimisation de la fertilisation minérale, biologique et chimique, la diversité végétale, l’utilisation des différentes pratiques, la gestion de la matière phosphate et organique qui intensifie les fonctions écologiques ».

Pour Gatien Flaconnier, CIRAD Zimbabwe, « L’Afrique ne pourra pas se passer des engrais minéraux pour assurer sa sécurité alimentaire et la durabilité de la production agricole avec uniquement de la fumée organique et des légumineuses ». Malgré un recours modéré aux pratiques agroécologiques, « cela ne permet pas d’apporter de l’azote nécessaire pour le maintien d’une productivité élevée. Le phosphore et le potassium doivent apporter leur contribution dans la production. Les engrais sont un élément indispensable pour améliorer le rendement agricole, malgré les dommages sur l’environnement », déclare-t-il. 

Au Sénégal, les pratiques agricoles sont définis par des systèmes de résiliences et d’agroécologique. Malick SARR est un grand exploitant agricole au Sénégal. Il coordonne un programme de développement agroécologique qui vise à apporter des changements dans les filières agricoles. C’est un programme financé par l’AFD.

« Nous avons des enjeux de productions importants. Nous voulons atteindre la souveraineté alimentaire. Pour cela nous avons besoin de protéger nos terres, l’environnement. Nous sommes dans une trajectoire avec des enjeux de développement durable, économique, territorial. Nous devons combiner les solutions et les adapter à nos besoins et réalités tout en prenant en compte la dimension sociale et environnementale. On doit rentabiliser nos terres, produire plus et nourrir les populations. Nous sommes accompagnés par l’AFD sur des projets qui coûtent 100 milliards de FCFA, rien que pour le programme Delta que je pilote, c’est une enveloppe de 50 millions d’euros. En travaillant avec les acteurs locaux et les exploitants agricoles, nous sommes impliqués dans la définition des stratégies, la recherche, le développement et les transitions agricoles ».

L’AFRIQUE DOIT PRODUIRE POUR NOURRIR SA POPULATION

Dans le cadre justement de la recherche, la CIRAD intensifie ses activités sur le terrain et travaillent avec tous les partenaires pour améliorer l’efficacité des terres en Afrique. A l’horizon 2050, l’Afrique aurait besoin de plusieurs dizaines de millions d’hectare supplémentaire avec la productivité actuelle pour faire face à cette demande alimentaire.

« Si rien n’est fait, ce sera la déforestation, la destruction de l’environnement et l’assèchement des sols. L’Afrique doit produire beaucoup pour nourrir sa population, mais pas au détriment des écosystèmes et de la biodiversité. Nous accentuons nos recherches pour une production plus rentable en Afrique. Il va falloir augmenter la production à l’hectare cultivé et l’intensification agroécologique pour réduire considérablement la faim » affirme la Présidente directrice générale du CIRAD, Elizabeth Claverie de Saint Martin.

Présidente directrice générale du CIRAD, Elizabeth Claverie de Saint Martin.

 Elle veut une politique plus saine qui protège l’environnement et améliore la fertilité des sols. Car pour elle, « le sol est à la fois le pilier de la production végétale pour nourrir l’humanité, mais aussi le réservoir de la biodiversité qui renferme des éléments nutritifs indispensable à la croissance des plantes, c’est un compartiment de stockage de carbone organique. Ce carbone est le support de la fertilité des sols ». C’est pourquoi, elle veut « du carbone pour les sols et non des sols pour stocker le carbone ».

QUELLE POLITIQUES PUBLIQUES POUR UNE GESTION DURABLES DES SOLS EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Le développement des recherches agronomiques permet de procéder à des meilleures transitions agricoles et écologiques et de financer des projets agroécologie afin d’améliorer la productivité et les rendements agricoles. La CIRAD et l’AFD soulignent la nécessité pour les Etats d’élaborer des politiques agricoles publiques saines qui tiennent compte des besoins des populations en matière d’agriculture. « L’usage d’engrais minéral, par exemple, n’aura de sens que s’il permet d’accroitre la souveraineté alimentaire de l’Afrique tout en réduisant la pauvreté des agriculteurs », insiste la Présidente directrice générale du CIRAD, Elizabeth Claverie de Saint Martin

L’émergence de transition agroécologiques incluant la gestion durable des sols en Afrique subsaharienne qui s’appuie sur des politiques publiques et des mesures d’accompagnement. Les financements des programmes d’appui et la gestion de la fertilité du sol doivent s’inscrire dans les politiques agricoles des Etats avec l’élaboration des modèles techniques et des pratiques agricoles efficaces pour lutter contre la dépendance alimentaire et la faim. Les Etats doivent accompagner les agriculteurs par la subvention des engrais minéraux et la mise en place des conseillers agricoles, renforcer la politique de sécurisation foncière, rendre les agriculteurs plus autonomes et mieux équipés, faciliter les échanges entre l’Etat est les acteurs agricoles et promouvoir la bonne gouvernance dans le secteur agricole.

Toutes ces pratiques permettent d’améliorer les relations entre acteurs agricoles et décideurs, de de lutter contre l’asséchement des sols, de vulgariser les pratiques de gestion durables du carbone organique, l’agroforesterie et l’agroécologie. La Lutte contre la faim passe nécessairement par l’autosuffisance alimentaire. D’où l’implication des Etats pour prendre toutes les mesures afin d’améliorer la fertilité des sols et la productivité.

REPORTAGE

MAMADOU BAH

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